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29 / Cancer: 1 Amélie: 0

C'est le jour J, le 16 novembre, une opération encore ...


Aujourd'hui j'angoisse et j'ai très peur. Je me sens comme une enfant terrifiée, accompagnée par sa maman, je tremble, je ne peux rien faire sans elle, impossible. On me traine jusqu’au bloc opératoire en fauteuil roulant, ma douleur m’empêche de marcher. J'ai peur parce que je sens que mon intuition me dit que rien ne va se passer comme prévu et je vise juste.

Déjà installée sur un lit pour attendre mon tour au bloc opératoire plusieurs personnes s’attellent à me poser une péridurale ( tu sais, dans le cas où le chirurgien serait amené à m’ouvrir entièrement le ventre, au moins, à mon réveil la douleur sera supportable) c’est préventif quoi ! Mais alors … jamais je ne me suis sentie aussi malmenée de ma vie (malgré toute la bienveillance des soignants à mon égard à ce moment là). Étant déjà très contractée à cause de mes douleurs et du stress, l’anesthésiste n’arrive pas enfoncer l’aiguille entre mes vertèbres, qui, me dit-on, sont trop collées. « Il faut vous détendre Madame, calmez-vous … ». A maintes reprises je sens des aiguilles s’enfoncer dans mon dos (on en comptera une dizaine par la suite grâce à leur marque sur ma peau) , plusieurs douleurs me font littéralement crier dans tout le service et je me cramponne à l’infirmière postée devant moi pour me soulager. Ma tête est posée contre son épaule, je lui tiens le bras, je pleure et je répète « Maya » « Maya » « Maya ». (Si tu n’as toujours pas eu connaissance du nom de ce petit être, c’est celui de notre petite bichon qu’on a adopté depuis cet été dans notre famille ) et imaginer sa petite bouille me réconforte tant bien que mal à ce moment là. Finalement, 3 anesthésistes vont tenter de réaliser le geste. J’avoue m’être totalement laissée partir vers la fin, plus aucun bruit ne sort de ma bouche, comme si, pendant quelques secondes mon esprit avait quitté mon corps pour stopper ce calvaire. Ça marche, le cathéter est mis en place, il n’y a plus qu’à attendre mon tour.

A mon réveil, on m'annonce qu'aucun geste chirurgical n'a été fait, hormis la coelioscopie pour explorer mon intestin. Et le résultat n'est pas bon ...

Ce n'est pas une tumeur au foie et à l'intestin qu'ils découvrent, mais c'est bien la quasi totalité de la paroi de mon péritoine qui est envahie par une multitude de tumeurs. Le choc. C'est LA mauvaise nouvelle que tu espères ne jamais entendre / ou repousser le plus possible dans ton cancer, celle qui sonne un peu comme la fin.

Tu ne comprends peut-être toujours pas ?

Alors prends le temps de te poser et laisse moi t’aider en t’expliquant plusieurs moments clés. Je perds beaucoup la notion du temps et j’oublie régulièrement certains épisodes de ma vie à l’hôpital et remettre les évènements dans l’ordre chronologique des choses me permet / et te permettra d’y voir plus clair !

Voilà donc ce qu'il s'est passé :

Je ne sais pas si tu te souviens mais ça fait maintenant un mois que j'ai terminé mon traitement de chimio et les médecins étaient très enthousiastes puisque mon corps a bien réagi aux produits. Les tumeurs diminuaient ! Tout semblait parti sur la bonne voie. L'opération était la suite logique pour me retirer les deux tumeurs dans mon corps et ensuite espérer un temps de pause dans ma maladie. Malheureusement, les tumeurs au péritoine n’ont été détectables sur aucun de mes scanners à cause de leur taille microscopique, seule la coelioscopie pouvait révéler leur présence.

17 novembre : Lendemain de la coelioscopie

Mon cancérologue me rend visite et s'assoit pour discuter avec moi de la situation. Il me fait clairement comprendre que le résultat de la coelioscopie n’était pas prévu et que mon cas devient plus grave que ce que l’on pensait. Pour autant il m’offre l’option de réfléchir à participer à un traitement expérimental sur les sarcomes qui consiste à faire une pause jusqu’en Janvier puis de commencer ce nouveau traitement (en ayant conscience que je peux tomber sur le médicament placebo ou non, mais aussi que le résultat de ce traitement n’est à ce jour absolument pas évaluable).

Sur le coup je m'effondre évidemment, je suis seule aussi, puisque le Covid m’empêche encore d’avoir mes parents à mes côtés, même pour des rendez-vous aussi importants.

Mon docteur me fait comprendre qu’il n’est maintenant plus question d’essayer de me guérir de ma maladie mais bien de pouvoir la maintenir “endormie” le plus longtemps possible. Mon seul espoir repose sur cet essai thérapeutique et je me sens plus que jamais terrifiée, seule, et remplie d’une injustice indescriptible, pourquoi moi bordel ? Pourquoi moi ?!

Mon infirmière, Audrey, me propose d'appeler mes ami(e)s pour leur annoncer la nouvelle et m’éviter une nouvelle fois la souffrance de l’annonce.

Bref, je retourne à la maison soulagée de pouvoir être au côté de ma famille plus tôt que prévu mais très triste que ce soit pour de mauvaises raisons… L’objectif est de me remettre tranquillement de la coelioscopie qui me laisse 3 petites cicatrices et un ventre très gonflé mais tout devrait partir d’ici 3 à 4 jours…

18 novembre : Entretien familial

Mes parents, ma sœur et Antonin sont tous les 4 convoqués à un entretien avec mon cancérologue pour parler de ma situation. Ils ont le temps de poser les mille questions qu’ils ont accumulées toute la nuit dans leur tête. Cet entretien a été bénéfique pour tout le monde dans le sens où chacun a pu entendre ce que j’ai pu entendre moi-même la veille, une réalité difficile à accepter mais qu’il va pourtant falloir digérer et gérer à sa façon.


23 novembre : Direction l’UGEI du Centre Léon Bérard (Unité de gestion d’évènements imprévus)


5 jours se sont passés depuis la coelioscopie et pourtant rien ne change, enfin si, mais plutôt dans le négatif : des douleurs plus intenses, un ventre qui gonfle encore … la vie devient insupportable. J’appelle Audrey, en pleurs, lui expliquant que rien ne va, qu’il faut que je retourne à l’hôpital (et pour que je supplie tous les dieux de la terre de m’emmener dans l’endroit qui me donne le plus d’angoisses au monde c’est que le problème est là), je sens que mon corps tourne mal.


On me passe un scanner en urgence et le résultat arrive très vite. La maladie n’est plus “endormie” mais elle évolue encore. Nouveau choc. Malheureusement, je revois le Dr.Brahmi, mon cancérologue, pour une discussion plus qu’irréelle du haut de mes 23 ans. C’est une évidence, je vais mourir de ma maladie. Quand ? On ne sait pas et il vaut mieux ne pas le savoir. Une chose est sûre, les médecins veulent tout faire pour me faire tenir le plus longtemps possible, parce que je suis jeune, parce que je pourrais être leur fille, parce que j’ai encore plein de choses à voir, à vivre … Mais ce soir du 23 novembre je suis épuisée, ma souffrance physique et mentale sont à l’extrême de ce que je peux supporter. Le Dr. Bramhi m’explique que j’ai maintenant un choix à prendre, un choix vital : continuer sur une chimio aussi lourde que la précédente dans les jours qui viennent, ou tout arrêter et du coup laissé progresser la maladie me tuer rapidement. Ce soir du 23 je dis stop, je dis non à la chimio, je dis non à la vie car je refuse de vivre une seconde de plus avec autant de souffrances.


Dans le service où l’on m'installe, je rencontre également la médecin s’occupant de la gestion de la douleur. Elle me rassure, entend mes paroles et me propose d’attendre quelques jours pour prendre une décision. Je vais beaucoup parler cette nuit-là à ma maman, sur ce que je veux, ce que je ne veux plus, sur comment j’envisage la suite. On met à plat les choses et je me rends compte de la rage de vivre que j’ai en moi, je ne peux pas baisser les bras, impossible, pas maintenant !


Je reste là-bas une semaine complète, le temps pour les médecins de me trouver un traitement sur mesure, qui me permettra, à ma sortie, de profiter au maximum de la vie avec un minimum de contrainte ! On opte pour une pompe à morphine qui délivre en permanence le médicament dans mon corps. C’est un boîtier (de la taille d’une main d’adulte) que je porte en bandoulière toute la journée et que je branche sur un pied à perf la nuit pour le recharger.


Finalement, la nuit porte conseil et la douleur déjà apaisée j’accepte de me battre encore et une chimio est prévue pour la semaine prochaine, le 30 novembre. En attendant j’ai le droit à une hospitalisation à domicile d’un week-end, puisque des amis m’ont prévu un moment rien qu’à moi près de mon lieu de vie et je veux en profiter à mille pourcent !


Week-end du 28 / 29 Novembre : Week-end hors du temps !


Je garderais pour nous les détails de ce moment mais je profite de ces quelques lignes pour crier haut et fort l’importance d’entretenir ses amitiés ! Les amis c’est la famille qu’on se choisit et cette relation peut nous emmener loin, tellement loin que ce week-end m’a donné toute la force nécessaire pour affronter la chimio qui m'attendait le lundi. Ce week-end c’était de l’amour, des belles déclarations, et surtout de la sincérité. Merci à eux d’avoir été là au bon moment.


Chimio : du 30 Novembre au 03 Décembre


Je ne te décris plus le processus de mes chimios, finalement c’est toujours le même. Trois jours de traitement, une entrée le lundi et une sortie le jeudi et entre temps la dure bataille contre les effets secondaires. Seul changement au programme : ma chimio n’est plus la même (mais son agressivité est tout aussi comparable) et les effets secondaires sont nouveaux. Durant deux jours, pendant l’injection du produit, je suis prise de violentes diarrhées et de vomissements qui me mettent k.o. En plus de ça, l’angoisse pointe le bout de son nez et me fait perdre pied, bah oui… “Et si je ne supporte pas cette chimio ? Je vais mourir du coup ?” Bref ce genre de questions qui me font rapidement tourner la tête et me voilà sous anti-dépresseur et autres anxiolytiques pour m’éviter ce genre de moments bien stressants.


04 Décembre : Coup de vent à la maison et retour à l'hôpital


Et oui … tu te dis qu’enfin, peut-être je vais pouvoir me reposer après tout ça, mais nan ! La vie en a encore sous le coude pour moi. A croire que quelqu’un veut me tester là- haut ! Je retrouve ma famille, ma petite Maya toute joyeuse et je savoure le temps de quelques heures le bonheur d’être tous ensemble. Mais très vite des grosses douleurs vont encore me prendre tout le ventre. D’abord on pense que ça vient de moi, de ma tête, mes angoisses sont tellement fortes qu’elles peuvent peut-être jouer sur ce que ressent mon corps ? Je m’en veux alors de ne pas pouvoir contrôler mieux les choses, j’ai l’impression qu’une part de moi fait mal les choses et que je fais tout pour aller mal ! Le retour à la maison me stresse peut-être je ne sais pas ? Ce qu’il y a de sûr, c’est la nuit épouvantable que je vais passer ce 4 décembre (merci Antonin d’avoir été là dans la pire nuit blanche de toute ma vie). Les douleurs sont tellement fortes que je m'emporte pour très peu, je suis tendue, je pleure, rien ne va. J’appelle encore Audrey, mon infirmière et on me réserve un lit aux urgences du Centre Léon Bérard. Je file direction Lyon avec ma mère avec beaucoup de mal.


Une fois sur place, les médecins sont de nouveau inquiets. Mon dieu ça ne s’arrête jamais. C’est une vraie spirale infernale. Mon ventre est très tendu et (attention je casse tout le glamour mais on est plus à ça prêt nan?) Je n'ai pas été à la selle depuis 3 bons jours.


En fait, voilà le problème:

Morphine = Constipation sévère

Ma Chimio = Diarrhée


Donc on m’a stoppé les traitements laxatifs car les diarrhées sont apparues mais je pense que l’erreur est là. On n'aurait pas dû arrêter. Résultat : je suis constipée comme jamais et je passe un scanner qui montre un blocage complet de tout mon tube digestif et mon estomac entièrement rempli d’eau. On m'hospitalise de nouveau, c’est impossible de retourner à la maison dans cet état. Je suis dévastée à l’idée de devoir encore vivre là-bas quelque temps, mais ma mère peut dormir avec moi et cette nouvelle allège beaucoup mon calvaire (merci les mamans). Ce qui devait arriver arriva. Mon pire cauchemar, LE soin que je ne voulais pas vivre dans ma vie: la pose d’une sonde naso-gastrique. L’enfer.

Je vomis des sécrétions intestinales (vomissement fécaloïde) dans la nuit du 6 décembre, et là, c’est le drame. Vomir de la merde par la bouche, huuuum yesssss. On m’aurait dit ça à la naissance j’aurais donné ma place à quelqu’un d’autre sérieux, c’est quoi cette vie ? Je ne te cache pas que c’est l’une des pires expériences de ma vie. Les infirmières se voient obligées de m’introduire un tuyau dans le nez pour atteindre directement mon estomac. Au premier essai, je vomis une seconde fois des matières fécales, cette fois-ci sur tout mon corps puisque je suis en position assise, super. J’ai le droit à une bonne douche à 5 h du mat et c’est reparti, deuxième essai, le bon cette fois-ci ! Le soin consiste, comme je le disais, à m’enfoncer un long tube (assez épais) jusqu’à mon estomac en passant par mon nez. Pour aider l'infirmière dans son geste, je dois en même temps boire des gorgées d’eau pour déglutir et avaler le tuyau. Encore une fois, je me répète mais : L’ENFER !

Une fois la sonde installée, le liquide stocké dans mon estomac s’évacue petit à petit et pour mon bonheur il soulage en partie mon ventre. Je dois garder ce tuyau jusqu'à ce qu'il n’y ait plus de liquide (l’histoire de plusieurs jours apparemment) et l’objectif maintenant est de retrouver un transit ! Bref, tu l’as compris je suis encore à l'hôpital et je n’ai pas de date de sortie mais le problème est trouvé. Je passe le week-end totalement à jeun, je n’ai pas ingéré de nourriture ni d’eau depuis 72h, ça aussi c’est très dur psychologiquement … seuls les produits en perfusion me nourrissent par le sang, j’ai perdu déjà 3 kg… mais mon dieu, comme j’ai envie d’un bon jus de fruit frais et d’un gâteau pour le goûter. J’en salive d’avance !


J’espère rentrer bientôt et que la vie me donnera un peu de repos avant ma prochaine chimio le 21 décembre ! J’ai frôlé la chimio le jour de noël, c’est déjà ça ! En espérant que je n’aurais plus autant de complications par la suite aussi.


Tu l’as compris, j’ai choisi la vie, je vais me battre, pour vivre d’autres beaux moments, vivre auprès des gens que j’aime et les embêter encore un petit peu !


J’aurais toujours le choix, le dernier mot, mais pour l’instant c’est la vie.

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