Il y a une chose que je n'ai pas vraiment évoquée à travers mes textes, si ce n'est pour en parler de manière positive, c'est le couple. Ou plutôt la façon dont la maladie s'introduit méchamment dans cette sphère de ma vie et la transforme lentement bien malgré nous. Mon coeur m'a poussé à t'écrire, à la veille de mon opération pour me donner du courage peut-être ? Et te laisser un petit quelque chose de moi pour ces prochaines semaines loin l'un de l'autre.
Alors comment écrire sur ça sans te gêner, toi qui n'aime pas être exposé, mis en avant ?
Comment écrire les bons mots, toi qui les as toujours trouvés pour me réconforter ?
L'annonce ne t'a pas fait sourciller, tu ne comprenais pas encore, à ce moment là, la lourdeur du mot cancer. Les premiers temps étaient difficiles il faut se l'avouer, avec une communication brouillée, des mots qui ne sortaient pas, des incompréhensions, plus rien n'avait de sens pour nous deux et c'est normal. Mais avec la persévérance qu'on a toujours eue, on a su s'écouter, en parler et c'était là les bases qu'on a établies pour affronter ensemble ce problème.
Problème qui aurait pu en faire fuir plus d'un. A 22 ans, avec des milliers de projets dans la tête tu aurais pu avoir comme tout le monde plein de raisons de prendre peur face à une annonce comme la mienne. L'idée même de me laisser ne t'a pas traversé l'esprit, tu es resté à mes côtés. Ce cancer a fait ressortir en nous nos plus grandes peurs, nos plus grandes faiblesses, mais il nous a rendus plus fort et à présent je sais qu'on peut tout affronter.
Et même si l'amour est fort, même si tu as confiance en l'autre, le cancer vient quand même grignoter ton bonheur. L'annonce de la chimiothérapie a été un réel déclic pour toi, ma récidive t'a fait peur, et elle t'a ouvert les yeux sur le monstre que j'ai en moi. La chimiothérapie aussi, qui elle, allait me changer physiquement. J'allais devenir chauve, fatiguée ... Je me mets à ta place et je ne sais pas comment j'aurais réagi... Toi tu as continué à m'aimer, plus fort encore ! Tu n'as pas hésité une seconde pour faire les aller retour à l'hôpital pour me rendre visite, et j'ai même envie de dire tu n'as jamais hésité pour rien quand il s'agissait de moi. Tu es toujours là pour m'aider !
Quand je parle du cancer qui "grignote" notre bonheur, je parle de tous ces rendez-vous qui m'ont pris un temps énorme sur cette année. De tous ces passages aux urgences qui nous ont contraint à stopper pleins de moments. De ces douleurs constantes qui m'éloignent de toi mais aussi des autres. Je suis irritable, je ne veux pas de contact, je ne veux pas parler, et tout ça tu le supportes. Je m'en veux parfois de ne pas être "normale", de ne pas pouvoir te donner ce qu'une autre pourrait faire mille fois !
La relation au corps change aussi, tu m'as vu évoluer (et pas forcément de la plus belle des manières) comme jamais personne ne verra changer quelqu'un aussi vite en si peu de temps. Un corps moins attirant, qui devient fragile, et mon ventre... celui qui me cause tant de problèmes, mon petit ventre gonflé, tu sais comme il me fait mal et comme je le déteste ces derniers temps ! Mon cancer n'est pas glamour, l'intestin ne fait pas rêver encore moins lorsqu'il est malade, mais ça aussi tu comprends.
Tu sais toujours me rassurer, tu me rappelles en rigolant que tu connais mon "potentiel beauté", que tu sais que je suis belle et tu me dis que je le suis toujours autant. Mon dieu, comme je remercie le ciel d'avoir à mes côtés quelqu'un comme toi ! Tu sacrifies tellement de choses pour moi, tu me donnes tellement.
J'aimerai un jour pouvoir te redonner au moins la moitié de tout ce que tu as fait pour moi. Antonin, s'il te plait accepte ce texte, tu mérites tous ces mots.
Je t'aime !