17/ Mon rapport au corps
- rvtaccount
- 7 juin 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 sept. 2020
Je n'ai jamais vraiment aimé mon corps, déjà petite je me trouvais trop "boulotte", trop garçon manqué, trop de cheveux cours et pas assez féminine. C'est ce qu'on me disait en tout cas. J'ai trainé cette image bien trop longtemps et mon regard s'est timidement transformé au fil des années. La vie est faite d'étapes et chacunes d'elles m'a permis de grandir et d'apprendre à me connaître réellement. La notion de confiance en soi a pointé le bout de son nez au lycée, éloignée de tout ce que je connaissais, dans une ville inconnue, avec des gens inconnus. La-bas j'ai tout réappris. La découverte d'un corps qui n'était pas si garçon manqué que ça, de l'envie d'avoir ma propre personnalité, d'affirmer de nouvelles choses.
Puis le BTS, ou évidemment le début d'indépendance à largement contribué à mon émancipation. Déjà à cette période les premiers problèmes de santé commencent. Rentrée 2016, me voilà avec la mononucléose et je vais rester KO plusieurs semaines, incapable de faire quoique se soit. Je loupe un nombre incroyable de cours, la fatigue prends le dessus sur ma vie. Je vais rester 6 mois dans cette situation. La mononucléose se complique avec des problèmes de vomissements consécutifs. Je développe une phobie qui ne fait qu'aggraver mes pulsions que je vais très largement cacher, par honte évidemment. Je vomis désormais tous les jours et je ne mange plus rien.. de peur de vomir.. me voilà dans un cercle vicieux duquel j'aurais vraiment du mal à sortir. Cette année là je vais perdre beaucoup de poids et c'est la première fois que je me vois avec un corps "fin" dont j'ai toujours envié les autres filles.. Ce corps je l'aime un temps, puis je deviens beaucoup trop maigre pour aimer ce que je vois dans la glace, je me déteste de nouveau. Les copines et les profs sont les premiers en ligne de mire, les premiers à me voir chuter en enfer et à vouloir m'aider. Mais pendant longtemps je vais cacher et ignorer mon problème, c'est facile lorsqu'on est seule, tout se passe dans son appart, et dehors on trouve des solutions. Je vais réellement ouvrir les yeux lorsque ma maigreur ne peut plus se cacher, lorsque le regard de mes proches devient vraiment inquiet. Je me rends compte de la gravité de la situation dans laquelle je me trouve et je vais alors me battre en solitaire. Je vais essayer de retrouver goût à la nourriture, pour ne plus vomir en me brossant les dents, pour ne plus donner ma nourriture aux copines au self... Au fur et à mesure, en me forçant, je vais réussir à dépasser ma peur, à reprendre du poids et à retrouver un semblant de normalité et je mettrais ensuite un an pour me sentir de nouveau bien.
Aujourd'hui je me rends compte à quel point j'ai nié le problème. La majorité des personnes de mon entourage ne sont pas au courant de cette période, ces troubles du comportement alimentaire m'ont pourri la vie, et m'ont fait me détester et avoir honte de moi-même. Faire face à une situation que je ne contrôlais pas m'a effrayé et m'a fait me sentir très seule. Aujourd'hui je suis fière d'avoir su me remettre de tout ça, d'avoir su rebondir, me prendre en main. Je sais que je peux me faire confiance, et aujourd'hui face au cancer, c'est dans cette énergie que je puise pour avoir du courage et de la force. Je regrette juste ne pas avoir accepté l'aide qu'on me proposait, et de ne pas en avoir demandé. Heureusement, on apprend de ces erreurs et je sais à présent qu'il n'y a rien de honteux à montrer ses faiblesses et à avoir besoin des autres pour avancer dans les moments difficiles.
A présent je me sens bien, enfin j'essaye ! J'ai re-perdu du poids lors de mon opération et j'ai eu à nouveau l'apparition de mes vomissements. C'était une sombre période à affronter puisque les mauvais souvenirs sont remontés à la surface. Mais avec la force de mon expérience j'ai su rapidement m'en débarrasser.
De retour à la "normale" je me retrouve avec un corps changé, cicatrisé et je fais le constat que je lui en ai fait voir de toutes les couleurs ! Perte de poids, prise de poids, et maladie ! Aujourd'hui je l'accepte tel qu'il est, il est loin d'être parfait, mais je pourrai presque dire que je l'aime. Comme je l'évoquais dans un précédent article, l'hôpital est un lieu ou tu perds rapidement la notion de pudeur. Finalement, m'exposer brutalement aux regards des soignants m'a fait du bien et m'a permis de relativiser. Un corps reste un corps et peu importe son aspect chacun aura ses complexes, ses problèmes et personne n'est parfait. Alors j'ai préféré choisir de m'aimer plutôt que l'inverse.
On me demande souvent si j'arrive à accepter ma cicatrice. Oui ! Finalement, elle représente l'épreuve que j'ai traversé et elle m'aidera pour les suivantes. Tous les jours, elle me fait prendre conscience de la force que j'ai en moi et j'en suis heureuse.

Notre véhicule 🙏 ce corps 😘